Le système parcellaire résulte du découpage du territoire, en général par lotissement. Les lots, qui peuvent aussi être appelés « propriétés foncières », « unités foncières » ou « parcelles », se caractérisent notamment par leurs dimensions, leurs proportions et leur orientation. En tant que portion d’un territoire, le lot est défini par des limites précises telles que les lots voisins et la présence d’une voie d’accès. Sur le lot, l’implantation d’un bâtiment est définie par ses marges avant, latérales et arrière. Par le fait même, l’implantation d’un bâtiment définit habituellement les espaces qui le séparent des bâtiments voisins et qui créent un intervalle entre les façades sur la voie publique. Le système parcellaire adopte des formes variées et perdure dans le temps malgré le renouvellement du cadre bâti ou les changements d’affectation des lots. Les divisions, subdivisions, redivisions et morcellements des lots, l’implantation de nouveaux bâtiments et l’ajout de clôtures ou de plantations aux limites des lots sont des gestes qui peuvent avoir un effet sur le site patrimonial. Les caractéristiques historiques du système parcellaire font partie de l’intérêt patrimonial du territoire, et il importe d’en favoriser la préservation.
Les caractéristiques du système parcellaire sont principalement en lien avec la valeur urbanistique du site patrimonial. Elles sont également à mettre en relation avec certains aspects de la valeur historique.
Le système parcellaire du site patrimonial du Vieux-Québec est aujourd’hui très diversifié. Il se compose d’abord d’un parcellaire de base, qui accueille le cadre bâti résidentiel sur des parcelles rectangulaires de petites et moyennes dimensions. Le parcellaire spécialisé, qui accueille le cadre bâti institutionnel, militaire, public et commercial, est de plus grandes dimensions et prend des formes extrêmement variables. Ces deux types de parcellaire ont été influencés à la fois par la topographie du site patrimonial, les usages du territoire ainsi que par les deux régimes qui ont façonné l’histoire du Vieux-Québec.
Le système parcellaire sous le Régime français
Le système parcellaire du site patrimonial du Vieux-Québec, tout comme le réseau viaire a d’abord été influencé par l’urbanisme français du XVIIe siècle. Deux modèles de planification urbaine cohabitent pendant le Régime français (fig. 21), soit une grille orthogonale de rues en basse-ville et dans certains secteurs de la haute-ville ainsi qu’un plan de type radioconcentrique.
Dès la fondation de Québec par Champlain en 1608, des terres sont distribuées. Néanmoins, au départ, les distributions se font à la pièce, et elles ne suivent pas de plan. L’emplacement et la forme des lots sont plutôt déterminés par la nature du site, par la proximité d’un accès naturel avec la haute-ville et par la proximité du fleuve. En haute-ville, les lieux sont très peu habités. Par la suite, Champlain élabore le projet urbain de Ludovica. En 1623, la concession de Louis Hébert est reconnue. À partir des années 1630, l’arrivée de nouveaux colons et celle des communautés religieuses entraînent une division plus active du territoire pour l’édification de constructions. Le projet urbain de Ludovica laisse peu de trace dans le système parcellaire actuel du site patrimonial. Montmagny fait développer un plan urbain pour la haute-ville en 1635, et les communautés religieuses sont installées sur le plateau.
Les terres ont été divisées en lots de forme carrée et les maisons y ont été déposées de manière à créer un passage menant à la cour arrière. Ce passage a ensuite été remplacé par des portes cochères pour répondre à des agrandissements latéraux des maisons. La densification du système parcellaire a ensuite été marquée par la construction en arrière-cours.
Jusqu’en 1663, le territoire subit de nombreux lotissements. De 1655 à 1658, 79 % du territoire de la basse-ville est divisé en lots à bâtir. En raison de la présence de l’escarpement et du fleuve, l’espace restreint incite à développer un plan en damier, caractérisé par de petites parcelles. Ce premier plan urbanistique du parcellaire suit donc les contraintes topographiques. Les parcelles sont de forme carrée mesurant environ sept mètres de largeur par sept mètres de profondeur. Le bâtiment occupe la majorité de l’espace disponible de la parcelle. Par conséquent, la construction de dépendances est limitée.
À la suite de l’incendie de 1682 en basse-ville qui détruit plus de la moitié des habitations, les propriétaires apportent des changements dans la conception de leur maison en doublant la superficie de leur nouvelle habitation afin d’occuper complètement la parcelle. La maison Louis-Fornel et son terrain en constituent de bons exemples. Les maisons reconstituées de place Royale sont notamment assises sur ce type de parcelle.
En haute-ville, le lotissement est marqué par l’installation des communautés religieuses à qui de grandes concessions sont cédées. À titre d’exemple, les Ursulines prennent possession d’une concession de près de 5 hectares (près de 50 000 m2) en 1639. Les Augustines14 ainsi que les Jésuites15 détiennent eux aussi d’immenses propriétés. Il s’agit de grandes parcelles irrégulières souvent agrandies par la suite. Ainsi, les parcelles consacrées aux habitants sont concédées dans les espaces disponibles entre les grandes propriétés, influençant ainsi la forme irrégulière du parcellaire. La dimension des lots est également très variable. Les lots attribués à cette époque sont particularisés par une profondeur mesurant plus de 27 m tandis que le front de rue peut varier d’environ 7 m à 50 m. Cela est dû, en partie, au caractère encore rural de la haute-ville.
Au début du XVIIIe siècle, l’espace habitable est de plus en plus restreint tant en basse-ville qu’en haute-ville en raison de la croissance urbaine. En basse-ville, des travaux d’empiètement sur le fleuve Saint-Laurent sont projetés, mais ils ne sont pas réalisés immédiatement. En haute-ville, la présence des grandes propriétés et des fortifications, dont les travaux ont été entrepris en 1690, n’est pas favorable aux nouveaux lotissements. Érigées en 1693, les infrastructures militaires bloquent notamment un développement futur de la ville vers l’ouest. En raison de cette pression, les communautés religieuses consentent à lotir certaines parties de leurs propriétés. Ce lotissement donne parfois des îlots de forme irrégulière en raison de la superposition du nouveau type de lotissement orthogonal appliqué par les ingénieurs militaires en haute-ville. À cet égard, l’îlot irrégulier aux coins des rues Saint-Jean et Couillard en constitue un bon exemple.
En plus de ces îlots irréguliers, on retrouve, tant en haute qu’en basse-ville, des îlots constitués de lots de forme rectangulaire d’environ 12 m de largeur par 15 m de profondeur. La façade des maisons construites sur ces lots occupe environ 80 % de leur largeur. L’espace restant permet d’avoir accès à la cour arrière. En basse-ville, certaines maisons sont mitoyennes, tandis que d’autres, situées surtout dans le secteur du quartier des palais, comportent un passage couvert entre les habitations.
Sous le Régime français, en basse-ville, le cadre bâti occupe environ 60 % des lots tandis qu’en haute-ville il occupe parfois moins de 30 %.
Le système parcellaire sous le Régime britannique
Au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, le système parcellaire de la haute-ville et de la basse-ville subit des changements en lien avec de nouvelles façons d’occuper le sol (fig. 21). En effet, Britanniques et Français possèdent des traditions d’aménagement urbain différentes. Les Britanniques préconisent, notamment, des parcelles rectangulaires qui possèdent des ruelles pour accéder aux arrière-cours. Ils doivent néanmoins composer avec le tissu urbain existant, les contraintes géographiques de la ville et la présence de plusieurs installations militaires, dont les fortifications. Il en résulte l’apparition de parcelles plus étroites dotées des portes cochères plus larges.
Avec l’importante croissance du tissu urbain à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, le système parcellaire évolue également. La marge avant des lots se réduit, tandis que leur profondeur atteint de 16 m à 19,5 m. La majorité des bâtiments sont maintenant mitoyens, et ils occupent environ 70 % de leur parcelle (voir Parcellaire 1810). La rue Sainte-Ursule, par exemple, accueille quelques parcelles de ce type, notamment celles situées au 6, rue Saint-Ursule et au 7, rue Saint-Ursule. Au cours des décennies suivantes, les lotissements suivent essentiellement les mêmes caractéristiques, à l’exception de quelques modifications, notamment pour la profondeur des lots. Vers 1820, ces derniers atteignent une profondeur de 32,5 m, permettant, par exemple, la construction de dépendances et d’écurie en cour arrière. Le bâtiment n’occupe alors que 50 % de leur parcelle. Ces parcelles se retrouvent principalement au sud de la rue Dauphine et à l’ouest de la rue Saint-Stanislas.
En 1830, un accès est ajouté aux habitations mitoyennes afin d’accéder à la cour. Ainsi, la dimension frontale des lots est légèrement plus grande. Cet accès se fait par une travée supplémentaire dans laquelle un passage cocher est construit. Dans les décennies 1830 et 1840, des parcelles moins profondes et plus larges sont créées dans certains secteurs pour accueillir des bâtiments moins élevés que les précédents. Quelques maisons situées, à titre d’exemple, sur les rues Saint-Denis ou Mont-Carmel ont été construites sur ce type de parcellaire. À partir du milieu des années 1840, les dimensions des parcelles sont de plus en plus variables. Les maisons situées aux 77-83, rue d’Auteuil (1845) et aux 17-21, rue des Remparts (1847) témoignent de l’occupation du parcellaire à cette époque. Au tournant du XXe siècle, les espaces disponibles à la construction sont plus rares. Quelques-uns des lots disponibles sont situés entre des constructions existantes. Ainsi, les grandeurs des parcellaires varient en fonction du lieu d’implantation. À titre d’exemple, le bâtiment situé au 26-28, avenue Saint-Denis (vers 1870) et celui situé au 33-35, rue Sainte-Angèle (1881) démontrent cette variabilité des lots créés à cette époque.
Le système parcellaire aujourd’hui
Le système parcellaire du site patrimonial du Vieux-Québec est aujourd’hui caractérisé par des parcelles de forme et de dimension variables. Elles révèlent la succession des modes d’implantation du Vieux-Québec qui diffèrent selon les époques, les régimes et la localisation, soit en haute ou en basse-ville.
Le parcellaire de base de la haute-ville se trouve généralement en périphérie du promontoire alors que le parcellaire spécialisé occupe la partie centrale. Le parcellaire de base forme souvent des îlots composés de parcelles doubles bordées de part et d’autre par une voie de circulation. Les rues Saint-Flavien et Sainte-Famille comprennent des îlots de ce type. Le système parcellaire de la haute-ville est aussi défini par de petits lots situés le long d’une voie et adossés à de plus grands lots institutionnels. Cette division parcellaire témoigne du lotissement postérieur des propriétés religieuses, tel que le monastère des Ursulines entouré d’un tissu de base. Le pourtour de la propriété des Ursulines comprend plusieurs exemples de ce type de lot. Le parcellaire spécialisé occupe toujours une place prépondérante sur le promontoire de Québec avec, notamment, les ensembles historiques des Ursulines (fig. 21), des Augustines, des Soeurs de la Charité, du Séminaire de l’hôtel de ville (ancien collège des Jésuites). Le parcellaire militaire se retrouve au pourtour du promontoire, le long de l’escarpement et à l’extrémité ouest du site patrimonial. Il encadre ainsi le secteur de la haute-ville. Les fortifications et la citadelle illustrent bien la place qu’occupent ces installations dans le système parcellaire du site patrimonial.
En basse-ville, quatre secteurs se caractérisent par leur parcellaire de base, soit le secteur du Cap-Blanc, le secteur est de l’escarpement – entre la rue du Petit-Champlain et la côte de la Montagne –, le secteur de la rue du Sault-au-Matelot et de la rue Saint-Paul – jusqu’à la côte de la Canoterie – ainsi que le secteur du quartier des palais à l’ouest – le long de la rue Saint-Vallier. Les parcelles sont généralement bordées d’une voie de circulation d’un côté et de l’escarpement de l’autre. On retrouve également des parcelles traversantes de même que quelques parcelles doubles de petites dimensions. La division des îlots par des parcelles spécialisées est presque inexistante. À l’exception de quelques parcelles spécialisées occupées par des bâtiments publics, ce type de parcellaire est intimement lié à la vocation portuaire de la basse-ville. Ces parcellaires occupent en général la portion de terre qui a été agrandie au fil des années vers le fleuve Saint-Laurent.
Le système parcellaire en bref |
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Le site patrimonial est caractérisé par un système parcellaire varié portant les traces des occupations successives du Vieux-Québec. Il se compose d’abord d’un parcellaire de base, qui accueille des bâtiments résidentiels sur des lots carrés ou rectangulaires de petite ou moyenne dimension. Il se compose également d’un parcellaire spécialisé, qui accueille des bâtiments institutionnels, religieux, militaires, publics et commerciaux sur des lots de moyenne et grande dimension de forme très variable. |
Le système parcellaire a d’abord été marqué par le système français de division des terres. On retrouvait des lots de forme carrée sur lesquels étaient implantées des maisons détachées de manière à créer des passages menant aux cours arrière. |
En basse-ville, la présence de l’escarpement et du fleuve incite à développer un plan en damier particularisé par de petites parcelles. |
En haute-ville, la première forme du tissu urbain est caractérisée par la présence de grandes parcelles irrégulières concédées aux communautés religieuses, de même que par de plus petites parcelles destinées à l’habitation entre les grandes propriétés. |
À partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’expansion du tissu urbain de la haute-ville est limitée par les fortifications. Il en résulte l’apparition de parcelles plus étroites et irrégulières sur lesquelles sont érigés des bâtiments aux portes cochères plus larges. |
Aujourd’hui, le parcellaire de base de la haute-ville se trouve généralement en périphérie du promontoire alors que le parcellaire spécialisé occupe la partie centrale. Le parcellaire résidentiel de la basse-ville compte quatre secteurs, soit celui du Cap-Blanc, le secteur entre la rue du Petit-Champlain et la côte de la Montagne, le secteur de la rue du Sault-au-Matelot et de la rue Saint-Paul jusqu’à la côte de la Canoterie, puis le secteur du quartier des palais. |
Les Augustines s’établissent à Québec en 1639 puis, l’année suivante, elles établissent leur Hôtel-Dieu à Sillery, en bordure du fleuve Saint-Laurent. Elles s’établissent sur le site actuel en 1644.
Les Jésuites s’établissent le long de la rivière saint-Charles en 1626 puis à la haute-ville vers 1634.