2.2 Historique | Questionnaire CPCQ

2.2 Historique

Un lieu fréquenté par les Autochtones

L’occupation humaine du site patrimonial du Vieux-Québec remonte à plusieurs milliers d’années. Différents groupes autochtones ont fréquenté le secteur de la pointe de Québec, notamment en raison de sa situation géographique stratégique au confluent de la rivière Saint-Charles et du fleuve Saint-Laurent, la principale voie d’accès à l’intérieur du continent. La topographie particulière de l’endroit, qui forme une pointe rocheuse surélevée (cap Diamant) s’avançant vers le fleuve, en fait un véritable point de repère et d’observation et favorise l’occupation humaine des lieux. Les peuples autochtones fréquentant cet emplacement ont profité de ses diverses ressources, dont un gisement de chert vert, une roche siliceuse utilisée pour fabriquer des outils en pierre.

Des traces d’occupation, remontant à environ 5000 ans AA8, ont été identifiées dans le secteur de Place-Royale. Des foyers et des sépultures ont été découverts de même que plusieurs objets, tels que des pointes de projectile, des pipes et des vases (fig. 1). Quelques autres sites témoignent d’une occupation continue de ce territoire pendant plusieurs millénaires.

En 1535, lors de son deuxième voyage au Canada, Jacques Cartier (vers 1491-1557) mentionne la présence d’un village dans les environs de Québec, appelé Stadaconé. Il y rencontre le chef, Donnacona (mort vers 1539), dont il avait fait la connaissance l’année précédente dans la baie de Honguedo (Gaspé). Bien que l’emplacement précis de Stadaconé ne soit pas encore connu, il est possible que celui-ci se situe à l’intérieur des limites du site patrimonial du Vieux-Québec9. Entre 500 et 800 personnes auraient habité le village de Stadaconé.

Vers le milieu du XVIe siècle, les populations iroquoiennes désertent la vallée du Saint-Laurent. Bien que des conflits armés, des maladies ou un changement climatique soient évoqués pour justifier leur disparition, les raisons de leur départ demeurent mystérieuses. Des peuples nomades algonquiens, dont des Innus continuent cependant de fréquenter la pointe de Québec pour pêcher et faire du troc. Le nom de Québec (Kebec) provient par ailleurs de la famille linguistique algonquienne. Ce terme fait référence au rétrécissement du fleuve à cet endroit.

L’occupation française (1534-1760)

En 1534, Jacques Cartier prend possession du territoire au nom du roi de France, François 1er. L’année suivante, l’explorateur est le premier Européen à passer l’hiver sur le site de Québec, à proximité de la rivière Saint-Charles. Six ans plus tard, Cartier est de retour à titre de guide de Jean-François de La Rocque de Roberval (vers 1495-1560). Mandatés par le roi François 1er, les deux hommes tentent d’établir une colonie permanente à l’embouchure de la rivière du Cap Rouge, à quelques kilomètres à l’ouest du site patrimonial actuel. Ce projet colonial est définitivement abandonné en 1543 alors que la guerre franco-espagnole force Roberval à rentrer en France.

La fondation de Québec

L’idée d’implanter une colonie permanente sur le site de Québec refait surface au début du XVIIe siècle, à une époque où le roi de France, Henri IV, veut étendre son empire. Le commerce des fourrures ayant pris de l’importance, il devient de plus en plus intéressant d’installer un poste de traite au bord du fleuve Saint-Laurent. En 1600, Pierre de Chauvin de Tonnetuit (avant 1583-1603) fonde un premier poste de traite à Tadoussac à l’embouchure de la rivière Saguenay. Le site n’est cependant pas occupé de façon continue par les Français. En 1608, Pierre Du Gua de Monts (vers 1558-1628), détenteur du monopole de la traite en Nouvelle-France, commandite l’expédition de Samuel de Champlain (1574-1635) et le charge de fonder un comptoir permanent dans la vallée du Saint-Laurent. Champlain choisit la pointe de Québec en raison de son emplacement stratégique à proximité des voies commerciales de la traite des fourrures, de son climat relativement tempéré, de la fertilité de ses sols et de l’avantage militaire que confère le promontoire constitué par le cap Diamant et le rétrécissement du fleuve. L’explorateur était venu une première fois dans la vallée du Saint-Laurent, en 1603. Dès son arrivée à Québec en 1608, il entreprend la construction d’une habitation (fig. 2). Le bâtiment en bois, qui sert de corps de logis, de magasin et de fortin, est érigé dans le secteur de Place-Royale, près de l’actuelle église de Notre-Dame-des-Victoires. Champlain fonde ainsi, le 3 juillet 1608, le premier établissement français permanent en Amérique.

Les premières années du comptoir

Ayant été nommé lieutenant-général des côtes, terres et confins de l’Acadie, du Canada et autres lieux en Nouvelle-France en 1603, Du Gua de Monts a notamment l’obligation d’établir des colons en Nouvelle-France et d’évangéliser les Autochtones. Pendant les premières années de son existence, Québec demeure essentiellement un comptoir de traite administré par des compagnies. Les premiers gestes pour coloniser et évangéliser le nouvel établissement se perçoivent par l’arrivée de communautés religieuses et de colons quelques années plus tard, malgré un développement assez limité. Les Récollets sont les premiers à s’installer dans la colonie en 1615, à proximité de l’habitation de Champlain. Deux ans plus tard, l’apothicaire Louis Hébert (vers 1575-1627) s’établit avec sa famille sur le cap, réservé à l’agriculture et à la défense selon la vision de la ville de Samuel de Champlain. Il devient le premier colon canadien à tirer sa subsistance du sol. En 1625, des missionnaires jésuites viennent s’établir à Québec. La colonie compte seulement 76 habitants en 1628.

Afin d’assurer la protection de Québec, Champlain fait ériger, en 1620, le premier fort Saint-Louis sur les hauteurs de l’escarpement. À partir de 1624, il fait également construire une seconde habitation en pierre sur le même emplacement que la première. Le bâtiment se caractérise par deux tours circulaires. Le fort Saint-Louis est quant à lui remplacé dès 1626 par un ouvrage en bois plus imposant qui est situé à l’extrémité nord de l’actuelle terrasse Dufferin.

En 1629, Québec est pris par les frères Kirke au nom de la couronne britannique. La colonie est restituée à la France en 1632 et Champlain revient à Québec l’année suivante. Il fait notamment reconstruire l’habitation incendiée par les Anglais et fait ériger une chapelle en bois, Notre-Dame-de-la-Recouvrance.

En 1635, Charles Huault de Montmagny (vers 1583-vers 1653) est nommé gouverneur de la Nouvelle-France. Il arrive à Québec l’année suivante et entreprend la réorganisation de la défense militaire de la colonie. Le fort Saint-Louis est alors reconstruit en pierre et en brique. Huault de Montmagny revoit également le développement de Québec, notamment par l’ouverture des premières rues et l’alignement des bâtiments. Le gouverneur abandonne le projet urbain de Champlain, Ludovica. Un plan urbain est développé pour la haute-ville, et les communautés religieuses sont installées sur le plateau.

La topographie particulière de Québec amène la formation de deux secteurs bien distincts, la haute-ville et la basse-ville. Autour de l’habitation de Champlain se forme une première basse-ville. Le secteur est caractérisé par une trame orthogonale et une place du marché bordée de commerces et de résidences. Le secteur de la haute-ville présente plutôt un plan radioconcentrique avec des rues qui convergent vers le fort Saint-Louis. L’espace est réservé aux grands ensembles institutionnels et à leurs jardins (fig. 3).

Les institutions de la haute-ville

Les Jésuites s’établissent en haute-ville en 1633, sur le site de l’actuel hôtel de ville. Ils fondent un collège deux ans plus tard. Les Ursulines et les Augustines arrivent à Québec en 1639. Les Ursulines obtiennent une importante concession de douze arpents (environ 4,1 hectares) à l’ouest de la propriété des Jésuites. Elles entreprennent la construction de leur monastère en 1641 et y établissent une école pour filles. Les Augustines reçoivent, quant à elles, un vaste terrain à l’écart du fort Saint-Louis. Elles fondent l’Hôtel-Dieu, le premier hôpital en Amérique à être construit au nord du Mexique10. En 1647, après l’incendie de la chapelle Notre-Dame-de-la-Recouvrance, une première église en pierre est érigée sur le site de la basilique-cathédrale de Notre-Dame-de-Québec. Le lieu de culte, appelé Notre-Dame-de-la-Paix, est alors administré par les Jésuites.

À la même époque, Huault de Montmagny fait ériger une résidence en pierre destinée au gouverneur, le château Saint-Louis. Il est situé à l’intérieur de l’enceinte du fort. Il fait aussi aménager un jardin qui correspond à l’actuel jardin des Gouverneurs.

Québec, capitale de la Nouvelle-France

Québec connaît d’importantes transformations au plan politique et administratif à partir de 1663, alors que le roi Louis XIV reprend le contrôle de Nouvelle-France et en fait une province de son royaume. La même année, François de Laval (1623-1708) fonde le Séminaire de Québec, une institution destinée à la formation du clergé diocésain. En 1664, la paroisse Notre-Dame-de-Québec est érigée canoniquement et l’église Notre-Dame-de-la-Paix est choisie comme église paroissiale.

Après son arrivée à Québec en 1665, l’intendant Jean Talon (1626-1694) instaure des politiques favorisant la colonisation et la natalité. La population de Québec augmente dans la seconde moitié du XVIIe siècle, ce qui entraîne l’expansion physique de la ville. Le secteur de la basse-ville devient rapidement trop exigu et les habitants s’établissent graduellement en haute-ville, principalement le long des rues qui délimitent les propriétés des communautés religieuses, tels que la rue Saint-Louis et la rue Sainte-Anne. La maison François-Jacquet-Dit-Langevin (1675) constitue un témoin privilégié de cette expansion.

Plusieurs bâtiments religieux sont également érigés dans le secteur de la haute-ville pendant la seconde moitié du XVIIe siècle. En 1666, les Jésuites entreprennent la construction d’une église adjacente à leur collège établi depuis 1650. Le premier bâtiment du Séminaire (l’actuelle aile de la Procure) est bâti de 1678 à 1681. L’église de Notre-Dame-de-Québec, devenue cathédrale en 1674, est reconstruite par Claude Baillif (vers 1635-1698) à partir de 1684. Le monastère des Ursulines, incendié en 1686, est reconstruit la même année. Il est alors formé des ailes Saint-Augustin et Sainte-Famille, deux bâtiments toujours en place. Les Récollets s’établissent finalement à la haute-ville en 168111. Un palais épiscopal est construit à partir de 1692 par Baillif sur le site de l’actuel parc Montmorency. La même année, Frontenac fait agrandir substantiellement le fort Saint-Louis. Le château Saint-Louis sera reconstruit en 1694 selon les plans de l’architecte François de la Jouë (vers 1656-1719). Quant au monastère des Augustines, il est doté de ses premiers bâtiments en pierre en 1695 (les actuelles ailes des jardins et du noviciat). Plusieurs de ces édifices sont visibles sur la représentation de Québec réalisée par Jean-Baptiste-Louis Franquelin (vers 1652-après 1721) en 1688 (fig. 4).

Le secteur de la basse-ville connaît aussi d’importants changements au cours de cette période. En 1682, le quartier est incendié et 55 bâtiments sur 85 sont détruits. Ce désastre permet de rectifier l’alignement des rues et de réaménager de la place du Marché qui devient place Royale en 1686, après installation d’un buste de Louis XIV. De 1688 à 1690, un lieu de culte est érigé sur les fondations de la seconde habitation de Champlain (actuelle église de Notre-Dame-des-Victoires). À cette époque, les berges du fleuve Saint-Laurent subissent d’importantes transformations avec l’aménagement des premières infrastructures portuaires. Les propriétaires riverains érigent d’abord des quais en bois qui sont remplacés par des structures permanentes en pierre au tournant du XVIIIe siècle. Les autorités coloniales font également construire des ouvrages défensifs en raison de l’importance stratégique de Québec. Une batterie est aménagée en 1684 à l’extrémité de la rue Sous-le-Fort. Elle sera remplacée en 1691 par la batterie royale. Elle sera reconstituée en 1977, et il est maintenant possible de la visiter. Les travaux de la fin du XVIIe siècle permettent notamment à la basse-ville de s’agrandir en empiétant sur le littoral du fleuve.

Dans les dernières décennies du XVIIe siècle, une seconde basse-ville se forme au pied du coteau de la Potasse, le long de la berge de la rivière Saint-Charles. En 1666, Jean Talon établit un premier chantier naval. Vers 1669, il fait ériger une brasserie et une fabrique de potasse. À la fin des années 1680, l’intendant Jacques De Meulles (vers 1650-1703) décide de transformer l’ancienne brasserie en palais. Graduellement, des habitations sont construites dans ce secteur qui deviendra le faubourg Saint-Nicolas (fig. 5).

Les premières lignes de fortification

Dès les années 1660, les ingénieurs de la Nouvelle-France ont songé à protéger le côté ouest de la ville par une enceinte fortifiée. Jean Bourdon (vers 1601-1668) est l’un des premiers à prévoir un tel ouvrage. Son projet n’est toutefois pas réalisé. Ce n’est qu’en 1690 que la ville est dotée de sa première enceinte. Construite selon les plans du major François Provost (1638-1702), celle-ci se compose de onze redoutes en pierre reliées par des palissades en bois. Trois ans plus tard, Josué Dubois Berthelot de Beaucours (vers 1662-1750) dessine de nouveaux ouvrages défensifs. Des remparts en terre, des palissades et des ouvrages fortifiés, tels que la redoute du Cap et le cavalier du Moulin (aujourd’hui un parc), sont alors construits. L’enceinte nuit cependant à l’expansion de la haute-ville. Au début du XVIIIe siècle, l’ingénieur du roi Jacques Levasseur de Neré (vers 1662-vers 1723) projette une enceinte plus à l’ouest. Différents conflits internes empêchent cependant le projet d’être réalisé en entier (fig. 6). En 1710, Beaucours modifie le tracé de la nouvelle enceinte en le ramenant vers l’est. Son projet comprend deux tours bastionnées, la redoute Royale (située à l’emplacement de l’édifice du Morrin College) et la redoute Dauphine. Les travaux sont cependant suspendus en 1713 à la suite de la signature du traité d’Utrecht qui met fin à la guerre de Succession d’Espagne. Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry (1682-1756), nommé ingénieur du roi en 1716, propose lui aussi divers projets pour améliorer les fortifications. En 1718, l’un d’eux est accepté par le roi. Les travaux sont à nouveau suspendus en 1720.

L’encadrement du développement urbain

La signature du traité d’Utrecht entraîne une période de paix et de prospérité qui favorise l’expansion de la ville et sa densification. La poussée démographique et la pression des autorités coloniales amènent les communautés religieuses à concéder des lots sur leurs propriétés de la haute-ville. De nouvelles rues sont ainsi ouvertes, notamment dans le secteur du Séminaire (actuel Quartier Latin). Le secteur de la basse-ville prend aussi de l’expansion grâce au remblayage des berges du fleuve.

Au cours des années 1720, les autorités coloniales réglementent la construction des bâtiments afin de diminuer la propagation du feu en raison notamment de l’incendie d’une partie de la ville de Montréal en 1721 et de la destruction du deuxième palais de l’Intendant en 1725. L’intendant Michel Bégon de La Picardière (1667-1747) émet une première ordonnance en 1721 pour que les maisons détruites soient reconstruites en pierre. En 1727, l’intendant Claude-Thomas Dupuy (1678-1738) émet une seconde ordonnance qui impose, cette fois, la construction de maisons d’au moins deux étages en pierre avec un toit à deux versants recouvert de fer-blanc et des murs coupe-feu entre les constructions mitoyennes. Les cheminées doivent être faites dans des cloisons de pierre ou isolées de toute menuiserie. Les maisons en bois, les toits mansardés et les toitures de bardeaux de cèdre sont désormais interdits. Cette ordonnance, qui découle directement des solutions apportées par Chaussegros de Léry lors de la reconstruction du palais de l’Intendant (fig. 7), a un impact important sur le cadre bâti du Vieux-Québec.

Les derniers grands chantiers

Dans le secteur de la haute-ville, les communautés religieuses font ériger quelques bâtiments au cours de la première moitié du XVIIIe siècle. Les Ursulines font construire une chapelle (1711) et deux nouvelles ailes (1722) tandis que les Jésuites érigent un nouveau collège (vers 1725). Le feu détruit aussi les bâtiments du Séminaire (1701) et ceux de l’Hôtel-Dieu (1755) qui sont aussitôt reconstruits. La cathédrale de Québec est quant à elle agrandie par Chaussegros de Léry à partir de 1744. Dans le secteur du palais de l’Intendant, Gilles Hocquart (1694-1783) fait aménager un chantier naval royal en 1738 et 1739. Des vestiges de la rampe de lancement ont d’ailleurs été mis au jour à l’intérieur des limites du site patrimonial. Compte tenu de la profondeur limitée de la rivière Saint-Charles, la construction navale se déplace à l’anse du Cul-de-Sac au milieu des années 1740.

La prise de la forteresse de Louisbourg par les Britanniques en 1745 relance les projets de fortifications de la ville de Québec. Chaussegros de Léry réalise une nouvelle enceinte qui intègre les ouvrages de Levasseur de Neré. Le déplacement de la ligne de fortifications vers l’ouest permet de dégager un espace pour l’expansion urbaine (fig. 8). L’espace est découpé selon un plan orthogonal et le tracé de la rue Saint-Louis est redressé vers l’ouest. L’ingénieur complète également la redoute Dauphine. Le bâtiment est transformé en lieu de casernement dès 1749. L’espace est toutefois insuffisant et les Nouvelles-Casernes sont érigées sur le coteau de la Potasse de 1749 à 1752, toujours selon les plans de Chaussegros de Léry.

La prise de Québec

En 1754, les puissances coloniales britanniques et françaises et leurs alliés autochtones entrent en guerre en Amérique du Nord, ce qui est connu sous le nom de la guerre de la Conquête (1754-1760). Ce conflit s’inscrit dans le contexte plus large de la guerre de Sept Ans, qui se déroule de 1756 à 1763, au cours de laquelle le royaume de France et le royaume de Grande-Bretagne s’affrontent à l’échelle internationale.

À l’été 1759, les Britanniques assiègent la ville de Québec et la bombardent pendant plusieurs semaines. De nombreux édifices sont endommagés. Le 13 septembre 1759, les troupes du major-général James Wolfe (1727-1759) et du lieutenant-général Louis-Joseph de Montcalm (1712-1759) s’affrontent sur les plaines d’Abraham. Les Britanniques vainquent les Français et la ville capitule le 18 septembre.

L’occupation anglaise (1760-1867)

Après la prise de Québec, la ville est placée sous régime militaire. En 1760, François de Lévis (1719-1787) tente en vain de reprendre Québec. La chute de Québec ne marque toutefois pas la fin du Régime français, qui se prolonge jusqu’à la capitulation de Montréal en septembre 1760. Les Anglais mettent alors en place un régime militaire. La guerre de Sept Ans prend fin en 1763 lors de la signature du traité de Paris qui confirme la cession du Canada aux Britanniques. La même année, la Province de Québec est créée par proclamation royale. La ville de Québec demeure la capitale de la colonie.

La reconstruction

Les années qui suivent la Conquête sont marquées par d’importants travaux de reconstruction visant à rétablir les bâtiments endommagés par les bombardements. Les secteurs autour de place Royale et de la rue du Petit-Champlain en basse-ville sont les plus touchés (fig. 9). Plusieurs bâtiments situés près de l’escarpement en haute-ville ont aussi été endommagés. La reconstruction se fait principalement à partir des murs subsistants et les travaux sont réalisés par des artisans locaux qui reproduisent les formes architecturales du Régime français. Certains propriétaires profitent de l’occasion pour agrandir ou surhausser leurs résidences.

Les édifices institutionnels n’ont pas été épargnés par les bombardements. L’église de Notre-Dames-des-Victoires et la cathédrale de Notre-Dame-de-Québec sont en ruines. Les deux lieux de culte sont rétablis par Jean Baillairgé (1726-1805) respectivement de 1763 à 1766 et de 1766 à 1771. Les autorités britanniques interdisent aux Récollets et aux Jésuites de recruter de nouveaux membres. Plusieurs de leurs bâtiments sont réquisitionnés et dotés de nouvelles fonctions. La chapelle des Récollets est convertie en lieu de culte anglican tandis que le couvent est transformé en salle d’audience et en prison. Le collège des Jésuites devient quant à lui une caserne militaire. L’enseignement est transféré au Petit Séminaire qui rouvre ses portes en 1765. Les autorités britanniques font également réparer une partie du château Saint-Louis au milieu des années 1760. Le palais épiscopal n’est rétabli qu’en 1775.

L’invasion américaine

En 1775, les treize colonies américaines entrent en guerre avec la Grande-Bretagne afin d’acquérir leur indépendance. Les autorités américaines décident d’envoyer des troupes pour s’emparer de Québec. Le 31 décembre, les hommes dirigés par Richard Montgomery (1736-1775) et Benedict Arnold (1741-1801) attaquent la capitale. L’opération échoue et Montgomery est tué. Les Américains assiègent toutefois la ville jusqu’au printemps 1776. Lors de cet événement, le palais de l’Intendant est bombardé et incendié par les Britanniques afin de déloger les Américains qui s’y sont installés (fig. 10).

Les autorités coloniales constatent alors les faiblesses du système de fortification et entreprennent des travaux d’amélioration. Le faubourg Saint-Jean, situé de l’autre côté de la porte du même nom, est partiellement détruit afin de dégager la ligne de fortification. Après 1780, le faubourg reprend cependant de l’expansion. De 1779 à 1783, une citadelle temporaire en bois et en terre est érigée sur les hauteurs du cap Diamant. Entre 1786 et 1812, de nouveaux remparts sont érigés pour compléter l’enceinte et des ouvrages défensifs auxiliaires sont placés devant les fortifications de 1745. L’accès à la haute-ville est également mieux contrôlé par la construction des portes Hope (1786) et Prescott (1797).

Québec, capitale du Bas-Canada

Le tournant du XIXe siècle marque le début d’une importante période de prospérité pour la ville de Québec. Après l’adoption de l’Acte constitutionnel de 1791, Québec devient la capitale du Bas-Canada. La province est dotée de sa première assemblée législative. Malgré la conquête, les catholiques francophones conservent leurs droits, leurs coutumes et leur religion. Le Parlement siège à Québec dans l’ancien palais épiscopal à partir de 1792. Au cours du XIXe siècle, la ville connaît une importante phase de croissance économique et démographique. Les activités commerciales et portuaires se développent considérablement à partir de 1806 à cause du Blocus continental imposé à la Grande-Bretagne par Napoléon Bonaparte (1769-1821). Incapable de s’approvisionner en Europe, la métropole se tourne vers sa colonie outre-mer pour importer plusieurs produits, dont le bois et la potasse. Le port de Québec, d’où sont exportés ces produits, devient l’un des plus importants en Amérique du Nord. Parallèlement à ces activités, plusieurs chantiers navals voient le jour le long des berges du Saint-Laurent. Cet essor économique s’accompagne également d’une forte augmentation de la population. Celle-ci passe de 7 162 habitants en 1795, à 57 375 en 1861. Cette croissance démographique est notamment favorisée par l’immigration anglophone. La plupart des nouveaux arrivants s’établissent cependant dans les faubourgs autour de la ville fortifiée. Alors qu’en 1795, la ville intra-muros accueille 75 % de la population, dès 1818, on y dénombre moins de 50 % des habitants de la ville, chiffre qui diminue à seulement un tiers de la population en 1861.

Cet essor amène évidemment la construction de plusieurs nouveaux bâtiments à l’intérieur des limites actuelles du site patrimonial. Dans le secteur de la haute-ville, le gouvernement colonial britannique entreprend la construction et la réfection de plusieurs édifices publics afin de marquer sa présence. Le château Haldimand est le premier à être érigé en 1787 à proximité de la place d’Armes. En 1796, l’église et le couvent des Récollets sont détruits par un incendie. Le dégagement de cet espace permet la construction d’un palais de justice (1799-1804) et de la cathédrale anglicane Holy Trinity (1800-1804). La place d’Armes est également élargie et mieux délimitée (fig. 11). Le château Saint-Louis est haussé d’un étage et mis au goût du jour selon les canons classiques anglais entre 1808 et 1811. La redoute Royale est démolie pour faire place à une prison (actuel édifice du Morrin College) érigée de 1808 à 1814. Les fortifications de la ville sont complétées par la construction d’une citadelle permanente. Les travaux, dirigés par l’ingénieur militaire Elias Walker Durnford (1774-1850), se déroulent de 1820 à 1831.

L’arrivée d’immigrants anglophones amène aussi la construction de plusieurs lieux de culte de différentes confessions religieuses, dont l’église presbytérienne St. Andrew’s (1809-1810), l’église catholique irlandaise St. Patrick (1831-1833), l’ancienne église wesleyenne (1848), l’église libre d’Écosse (1851-1853), aujourd’hui l’église Chalmers-Wesley United Church, et l’édifice de l’ancienne église baptiste (1853). La communauté anglicane fait aussi ériger une école sur la rue d’Auteuil, l’édifice de la National School (1822). La haute-ville devient un secteur résidentiel prisé pour les membres de l’élite anglophone. Ceux-ci se font construire plusieurs maisons à partir du tournant du siècle, telles que la maison Sewell (1803-1804). Les Anglais introduisent également un nouveau type d’habitation inspiré de la maison londonienne.

Les communautés religieuses et les autorités ecclésiastiques catholiques font aussi ériger de nouveaux bâtiments au cours de la première moitié du XIXe siècle, dont la chapelle de l’Hôtel-Dieu (1800), les ailes des Parloirs et de la Congrégation du Séminaire (1822-1823) et un nouvel évêché (1844). Plusieurs de ces travaux sont effectués par Thomas Baillairgé (1791-1859), considéré comme le premier véritable architecte du Bas-Canada. Ce dernier réalise également les plans d’une nouvelle façade pour la cathédrale Notre-Dame-de-Québec. Son projet n’est que partiellement réalisé en 1843. La première université francophone en Amérique est aussi fondée en 1852 par les autorités du Séminaire. Deux ans plus tard, l’architecte Charles Baillairgé (1826-1906) conçoit les plans du premier pavillon de l’institution située sur le terrain du Séminaire. Deux autres bâtiments sont ajoutés au cours des années 1850, l’École de médecine et le pensionnat. Fondée à Québec en 1849, les Soeurs de la Charité de Québec développent un ensemble institutionnel comprenant une chapelle au nord de la place d’Youville dès les années 1850. Elles récupèrent aussi un bâtiment militaire (centre d’accueil Nazareth) après le départ de la garnison britannique en 1871.

La basse-ville subit d’importantes transformations à la suite du développement des activités portuaires. Le secteur double sa superficie entre 1790 et 1820 grâce au remblayage du fleuve et de la rivière Saint-Charles ainsi que par la construction de quais. Le nombre de ce type d’ouvrage passe de 11 en 1785 à 39 en 1842. Ces comblements permettent l’ouverture de nouvelles rues comme les rues Saint-Paul (1816) et Dalhousie (1831). Graduellement, le secteur autour de la place Royale perd quelque peu sa vocation résidentielle. L’espace est de plus en plus occupé par des entrepôts, des hangars et des commerces. L’importance du port amène la construction d’un édifice des douanes en 1831 et 1832. La rue Saint-Pierre devient une importante artère commerciale et des banques s’y établissent. Plusieurs auberges ouvrent également leurs portes afin d’accueillir les voyageurs et les matelots, dont le Neptune Inn. La basse-ville se développe aussi vers le sud avec le prolongement de la rue Champlain. De nombreux ouvriers travaillant dans les chantiers navals s’y établissent donnant naissance au secteur du Cap-Blanc. Deux écoles y sont notamment érigées : l’école du Cap-Diamant (1841-1842) et l’école Diamond Harbour (1861).

Les marchés publics

Le début du XIXe siècle marque aussi le développement des marchés publics et l’avènement des halles couvertes. La place du marché devant la cathédrale est dotée d’une halle circulaire vers 1807. Celle-ci est remplacée par une autre construction en 1818 et en 1844. Le marché de la place Royale est doté d’étals dès 1805. Un second marché est établi en basse-ville tout près des quais, vraisemblablement au tournant du XIXe siècle. Le marché, appelé Finlay (aujourd’hui place de Paris), est doté de halles en 1817 (fig. 12). Plusieurs autres marchés voient le jour dans les décennies suivantes, dont le marché Champlain (1858) érigé sur l’emplacement de l’anse du Cul-de-Sac.

La Cité de Québec et les premiers efforts de modernisation

En 1833, Québec est incorporé comme unité administrative donnant ainsi naissance à la Cité de Québec. À partir des années 1840, le conseil municipal siège dans l’ancienne maison Dunn située sur la rue Saint-Louis (aujourd’hui détruite). Dans les années subséquentes, les commerçants font pression sur les autorités municipales pour que les rues de la ville soient élargies, pavées et mieux éclairées. En 1849, un système d’éclairage au gaz est mis en place par la Compagnie de gaz de Québec. Cinq ans plus tard, la municipalité met en service un système d’aqueduc. Différentes compagnies mettent également en place des tramways tirés par des chevaux. La basse-ville est desservie dès 1865 et la rue Saint-Jean à partir de 1878.

Les grandes catastrophes

Au cours du XIXe siècle, la ville de Québec est touchée par plusieurs désastres qui affectent sa population et son cadre bâti. En 1832, une épidémie de choléra fait plus de 3000 victimes dans la capitale, ce qui correspond à environ un dixième de la population. Plusieurs autres dizaines d’habitants sont aussi tués dans le secteur de la basse-ville à la suite d’éboulements du cap Diamant. Le 17 mai 1841, un glissement de terrain entraîne une partie des fortifications vers la rue Champlain détruisant plusieurs maisons et tuant une vingtaine de personnes. Un événement similaire se produit en septembre 1889 et fait près de 50 victimes.

Différents incendies touchent également le site patrimonial du Vieux-Québec. En 1834, le château Saint-Louis est détruit par les flammes. Le bâtiment n’est pas reconstruit et une terrasse est aménagée en 1838 sur son emplacement. La promenade, qui porte alors le nom de terrasse Durham, est allongée en 1854. La même année, l’édifice du parlement, modifié par Thomas Baillairgé à partir de 1831, est également détruit par un incendie. Les pierres de la façade sont remployées pour construire le marché Champlain.

En 1845, la ville de Québec est en grande partie dévastée par deux incendies majeurs. Celui du 28 mai détruit le faubourg Saint-Roch et celui du 28 juin, le faubourg Saint-Jean. Le feu brûle environ les deux tiers de la ville, mais épargne la grande majorité du site patrimonial du Vieux-Québec (fig. 13). Les conflagrations détruisent plusieurs milliers de bâtiments.

Le ralentissement économique

Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, la ville de Québec connaît un important déclin de ses activités portuaires, principalement celles liées au commerce du bois et à l’industrie navale. L’abolition des tarifs préférentiels établis par la Grande-Bretagne et la pénurie de certaines essences de bois dans le bassin versant de Québec nuisent au commerce du bois. Les chantiers navals, spécialisés dans la construction de navires en bois, n’arrivent pas à s’adapter aux nouvelles techniques de construction des bateaux en acier et plusieurs doivent fermer. De plus, les autorités britanniques décident d’améliorer les conditions de navigation sur le fleuve Saint-Laurent en draguant le fond du cours d’eau, ce qui a pour conséquence de déplacer le trafic maritime vers Montréal, qui devient progressivement la métropole.

La ville de Québec est également affectée par le départ du Parlement. Avec la proclamation de l’Acte d’union en février 1841, le Haut et le Bas-Canada sont fusionnés pour former une seule province. Le siège du gouvernement est déménagé à Kingston pour ensuite alterner entre différentes villes. Québec l’accueille de 1852 à 1855 et de 1860 à 1865. Le Parlement est ensuite transféré à Ottawa. La ville perd ainsi une partie de sa population travaillant comme fonctionnaires ou députés.

La capitale d’une province (1867- Aujourd’hui)

Les provinces de l’Amérique du Nord britannique s’unissent en 1867 pour former un nouvel État, le Dominion du Canada. La ville de Québec devient alors la capitale de la province du même nom. Quatre ans plus tard, la garnison britannique quitte définitivement la ville, laissant plusieurs installations militaires sans fonction.

Les grands projets d’embellissement

Le départ des troupes britanniques amène les autorités de la Ville de Québec à se questionner sur l’avenir des fortifications. Comme dans plusieurs anciennes villes fortifiées, telles que Montréal et Vienne en Autriche, on veut démanteler les ouvrages défensifs afin de faciliter le développement urbain. Dès 1871, les portes Saint-Louis et Prescott sont démolies pour favoriser la circulation. L’année suivante, la Ville obtient l’autorisation de démolir les portes Saint-Jean, Hope et du Palais. La porte Saint-Jean, qui avait été reconstruite en 1867, est finalement conservée. Dans les années suivantes, les murs de fortifications le long de la rue des Remparts sont abaissés et l’enceinte est percée pour prolonger la rue Dauphine (fig. 14).

En 1872, Frederick Temple Blackwood est nommé gouverneur général du Canada. Ce dernier milite en faveur de la conservation des fortifications. Il présente un projet de mise en valeur qui inclut notamment l’aménagement d’une promenade le long des remparts, la construction de nouvelles portes d’inspiration médiévale et d’un nouveau château Saint-Louis. Une partie du projet est réalisée à partir de 1878. Certaines portes ne sont cependant pas reconstruites (du Palais, Hope et Prescott) et les autorités abandonnent la reconstruction du château Saint-Louis. Dans le cadre de ces travaux d’embellissement, la terrasse Durham est à nouveau agrandie selon les plans de l’architecte Charles Baillairgé. Elle est alors renommée terrasse Dufferin. L’abandon de la fonction défensive des remparts permet aussi aux autorités municipales de récupérer l’espace formé par les glacis. En 1876, le marché Montcalm (actuelle place D’Youville) est aménagé près de la porte Saint-Jean.

Le statut de capitale du Québec amène les autorités fédérale et provinciale à entreprendre la construction de nouveaux édifices gouvernementaux afin d’améliorer l’image de la ville. En 1871, un bureau de poste est construit près de l’intersection des rues Buade et du Fort. Un palais de justice est aussi érigé de 1883 à 1887 sur l’emplacement de celui qui a brulé en 1873. Les autorités songent également à ériger un nouveau palais législatif dans le secteur de la haute-ville. Le site de l’ancien collège des Jésuites, désaffecté depuis le départ de l’armée britannique, est convoité et le bâtiment est démoli en 1877. Le parlement est finalement érigé à l’extérieur des fortifications. L’emplacement est laissé vacant par la démolition de l’ancien collègue des Jésuites jusqu’à la construction de l’hôtel de ville actuel, inauguré en 1896. Les Soeurs de la Charité de Québec, quant à elles, récupèrent un ancien bâtiment de la garnison situé entre les fortifications et leur ensemble conventuel.

Dans le cadre des projets d’embellissement, la Ville cherche également à faire ériger un hôtel de luxe pour accueillir les touristes qui sont de plus en plus nombreux. Un premier projet visant le site du parc Montmorency est présenté au début des années 1890, mais n’est pas réalisé. En 1892, le président de la compagnie de chemin de fer Canadien du Pacifique, William Cornelius Van Horne (1843-1915), forme une société pour faire construire un hôtel, le château Frontenac (fig. 15). Dessiné par l’architecte américain Bruce Price (1845-1903), l’édifice est érigé sur le site des anciens fort et château Saint-Louis. Sa construction nécessite la destruction du château Haldimand transformé en école normale depuis 1857. L’hôtel est inauguré en 1893. Il sera agrandi à plusieurs reprises dans les décennies subséquentes.

Le retour de la prospérité

Après le déclin du commerce du bois et de la construction navale, la ville de Québec renoue avec une certaine prospérité économique grâce au développement des activités industrielles. Plusieurs manufactures voient le jour à partir du dernier quart du XIXe siècle. La plupart s’établissent dans le quartier Saint-Roch, mais certaines industries s’implantent dans le secteur du Vieux-Québec comme la brasserie Boswell (située sur le site du palais de l’Intendant) et la manufacture de meuble Vallière (emplacement du 916, rue Saint-Vallier Est). En haute-ville, les Nouvelles-Casernes sont converties en cartoucherie. L’usine de munition, qui sera plus tard connue sous le nom d’Arsenal fédéral, ouvre ses portes en 1882.

Le port de Québec est complètement transformé à partir de 1877 grâce à la construction de la jetée et du bassin Louise (situés hors du site patrimonial). Les installations permettent d’accueillir de plus gros navires et de transborder plus facilement la marchandise. Des installations ferroviaires sont également aménagées dans le secteur à partir de 1879. Plusieurs grossistes font ériger de vastes entrepôts à proximité, principalement le long des rues Dalhousie et Saint-Paul, tels que l’ancien entrepôt Thibaudeau (1880). Sur la rue Saint-Pierre, le développement du centre financier se poursuit. Au tournant du XXe siècle, plusieurs nouvelles succursales bancaires et de compagnies d’assurance sont construites. La rue est alors surnommée la « Wall Street » de Québec.

À la fin du XIXe siècle, plusieurs travaux visant l’amélioration des voies de communication dans le Vieux-Québec sont effectués. En 1879, un funiculaire reliant la basse et la haute-ville est inauguré dans la maison Louis-Jolliet. Les tramways hippomobiles sont remplacés par des tramways électriques à partir de 1897. L’année suivante, la rue Saint-Jean est élargie et la porte est démolie afin de favoriser la circulation et le transport des marchandises. Ces travaux nécessitent la démolition de plusieurs bâtiments du côté sud de la rue.

Le Vieux-Québec voit apparaître plusieurs nouveaux édifices au tournant du siècle, notamment du côté des communautés religieuses. Mentionnons le Grand Séminaire (1879), le pavillon d’Aiguillon (fig. 16) de l’Hôtel-Dieu (1892), la nouvelle chapelle du monastère des Ursulines (1901-1902) et la nouvelle chapelle des Soeurs de la Charité de Québec (1914). La place D’Youville est dotée de deux bâtiments prestigieux, l’édifice de la Quebec Young Men’s Christian Association (1878-1879) et le Théâtre Capitole (1902-1903). La Ville de Québec fait également ériger des bâtiments municipaux présentant une architecture soignée comme en témoignent la caserne Dalhousie, reconstruite en 1912, et l’ancien poste de pompiers no 6 (428-438, rue Champlain) aménagé la même année. L’Université Laval fait aussi construire de nouveaux pavillons entre 1919 et 1922.

La commémoration et les premières mesures de protection

Le début du XXe siècle est marqué par un engouement pour la commémoration. Les autorités des différents paliers gouvernementaux érigent de nombreuses places publiques et monuments dédiés aux grands personnages qui ont forgé l’histoire de l’Amérique française, du Canada et du Québec. De nombreuses oeuvres sont ainsi érigées, dont le monument de Samuel de Champlain (1898), le monument de François de Laval (1908), le monument de la Foi (1916) et le monument du Cardinal Elzéar-Alexandre Taschereau (1923).

Les premiers organismes dédiés à la protection du patrimoine sont fondés à cette époque. En 1922, le gouvernement du Québec crée la Commission des monuments historiques qui a le mandat de préserver les monuments et les objets d’art historique ou artistique d’intérêt national. En 1929, elle classe l’église de Notre-Dame-des-Victoires, l’un des trois premiers bâtiments protégés au Québec. Il faut ensuite attendre le milieu des années 1950 pour que d’autres biens du Vieux-Québec soient classés, soit la maison Jean-Baptiste-Chevalier en 1956 et la maison François-Jacquet-Dit-Langevin en 1957.

En 1929 également, la compagnie Price décide de faire ériger un imposant édifice sur la rue Sainte-Anne afin d’y loger son siège social. Le bâtiment de 16 étages constitue le premier gratte-ciel de la capitale. Sa construction crée une polémique en raison de sa hauteur plus importante que celle des bâtiments du Vieux-Québec. En 1937, les autorités municipales décident de limiter la hauteur des édifices à 20 mètres dans le secteur.

La dévitalisation du Vieux-Québec

Après quelques années de stagnation, la population de la ville de Québec recommence à croître du début du XXe siècle. La plupart des habitants s’établissent cependant dans les quartiers périphériques de Québec, tels que Montcalm et Limoilou. Le pourcentage d’habitants résidant à l’intérieur du Vieux-Québec diminue. Les commerçants délaissent peu à peu les marchés de la basse-ville. Le marché de la place Royale ferme en 1889 tandis que le marché Finlay cesse ses activités en 1906. Les halles du marché Champlain sont démolies en 1910 à la suite d’un incendie. Les activités bancaires déclinent aussi dans les années subséquentes. Les banques, affectées par la crise économique de 1929, quittent graduellement la rue Saint-Pierre pour s’établir ailleurs. Plusieurs bâtiments de la basse-ville se dégradent, particulièrement les habitations où résident les plus pauvres de la ville (fig. 17).

Malgré la construction de nouveaux pavillons, l’Université Laval manque d’espace et doit déménager certaines écoles à l’extérieur des limites actuelles du site patrimonial au cours des années 1920. À partir du milieu du XXe siècle, l’institution quitte progressivement le Quartier Latin pour s’établir sur un vaste campus conçu par Édouard Fiset à Sainte-Foy. Le départ de l’Université Laval entraîne du même coup celui des étudiants, professeurs et personnels de l’université ce qui contribue à dévitaliser le Vieux-Québec.

Un patrimoine menacé

L’augmentation de la population, la croissance économique, la modernisation des moyens de transport et le développement de l’industrie touristique créent une forte pression sur le cadre bâti ancien du Vieux-Québec. Après la sauvegarde des remparts initiée par Dufferin dans les années 1870, plusieurs voix s’élevèrent au cours des années 1920 afin de dénoncer l’état de détérioration des fortifications. Ces représentations après du gouvernement fédéral conduiront à la mise en oeuvre d’un imposant programme de restauration des murs de la ville réalisé dans le cadre de mesures d’aide aux chômeurs durant la Grande Dépression. Après la Seconde Guerre mondiale, plusieurs associations dénoncent la détérioration et la destruction de témoins historiques datant du Régime français. Les débats entourant la protection du patrimoine gagnent en importance, notamment à cause des projets de construction ou d’aménagement de stationnement qui menacent des bâtiments anciens.

En 1952, les Augustines de l’Hôtel-Dieu annoncent leur intention de moderniser leur hôpital. Deux ans plus tard, le Conseil municipal adopte un règlement qui permet aux écoles, aux églises et aux hôpitaux d’être dispensés de la limite de hauteur imposée dans le Vieux-Québec depuis 1937. Le projet de modernisation comprend alors la construction d’un nouveau bâtiment de treize étages, l’aile Saint-Augustin. La construction du bâtiment dessiné par l’architecte Henri Talbot (1905-1986) débute en 1955. Le projet, qui amène la destruction du pavillon d’Aiguillon (fig. 16), suscite de nombreuses critiques et fait craindre le pire pour l’avenir du Vieux-Québec. La protection de l’ensemble du territoire est alors réclamée. En 1963, la Loi sur les monuments historiques entre en vigueur et permet la déclaration d’arrondissements historiques (maintenant des sites patrimoniaux). Le Vieux-Québec est le premier territoire au Québec à bénéficier de cette protection.

Faire revivre le Régime français

À partir des années 1930, les autorités gouvernementales mènent une vaste campagne de refrancisation afin de contrer la domination de la culture américaine dans la province. Dans la capitale, on souhaite mettre en valeur l’héritage du Vieux-Québec, berceau de l’Amérique française. Plusieurs proposent un retour vers l’architecture de la Nouvelle-France. Les premiers grands projets de restauration qui visent à redonner un cachet français à la basse-ville et à attirer les touristes débutent au milieu du XXe siècle. En 1951, Gérard Morisset, secrétaire de la Commission des monuments historiques, propose la restauration de la maison Jean-Baptiste-Chevalier. Le gouvernement l’acquiert cinq ans plus tard et mandate l’architecte André Robitaille (1922-2009) pour effectuer les travaux de restauration. Le projet consiste à réunir trois maisons anciennes pour donner à l’ensemble une allure d’hôtel particulier français des XVIIe et XVIIIe siècles, un état qui n’a jamais réellement existé. Robitaille restaure ensuite les maisons Louis-Fornel et James-Thompson.

Préoccupé par l’avenir du quartier de la place Royale, la Chambre de commerce de Québec met sur pied la Société de la Place-Royale de Québec en 1965, en partenariat avec le gouvernement du Québec et du Canada. Le gouvernement du Québec devient responsable à part entière de la Société l’année suivante. Il met alors en place un vaste programme de restauration visant le secteur de la place Royale, un chantier d’État. Il adopte la Loi concernant la Place Royale à Québec en 1967. Les travaux principaux, qui débutent en 1970, s’étalent sur plus de 20 ans et concernent l’ensemble du quartier. Devant les préoccupations croissantes des citoyens et des groupes d’intérêt, le ministère des Affaires culturelles organise un colloque en 1978 afin de s’interroger sur les fondements de ce grand chantier d’État. Ce colloque sera une occasion pour revoir l’approche du gouvernement à l’égard du quartier.

Le Musée de la Civilisation, fondé en 1984, se voit confier l’interprétation de place Royale. L’architecte Moshe Safdie (né en 1938) conçoit un bâtiment pour abriter l’institution muséale. Inauguré en 1988, le musée présente une architecture moderne s’intégrant au cadre bâti environnant.

Plusieurs secteurs autour de la place Royale sont revitalisés à la suite de ces travaux de restauration, notamment la rue du Petit-Champlain. Des bâtiments sont restaurés ou reconstruits au cours des années 1970, 1980 et 1990 afin d’accueillir des commerces. De son côté, le gouvernement fédéral met en valeur les ouvrages militaires anciens de la ville en restaurant notamment la redoute Dauphine.

Un site de l’UNESCO

En 1985, le site patrimonial du Vieux-Québec est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. L’organisme international reconnaît la valeur du Vieux-Québec en tant qu’ensemble urbain cohérent et bien préservé, comme exemple exceptionnel de ville coloniale fortifiée et comme témoin important de la colonisation de l’Amérique par les Européens. Un monument, près du château Frontenac, a été installé dès 1986 afin de rappeler l’inscription du Vieux-Québec.

La poursuite de la mise en valeur

Dès le début des années 1980, plusieurs monuments et places commémoratifs sont aménagés à l’intérieur du site patrimonial grâce à la collaboration de la Ville de Québec et de la Commission de la capitale nationale. En 1995, la place de la FAO est aménagée pour commémorer le 50e anniversaire de la fondation de la Food and Agriculture Organization. En 1998, le monument des Conférences de Québec – associées à la Seconde Guerre mondiale – est inauguré près de la porte Saint-Louis. Deux ans plus tard, deux places sont aménagées dans l’axe de la rue Saint-Stanislas, la chaussée des Écossais (devant l’édifice du Morrin College) et la place de l’Institut-Canadien (devant l’ancienne église wesleyenne). D’autres projets d’embellissement ont récemment été complétés par la Ville de Québec et ses partenaires, notamment l’aménagement d’une place publique près de l’hôtel de ville ou encore la place des Canotiers (2017). La Commission de la capitale nationale du Québec avec divers partenaires réalisent des projets de mise en lumière, qui contribue à la mise en valeur du site patrimonial. Parmi leurs réalisations dans le Vieux-Québec citons les mises en lumière de l’église de Notre-Dame-des-Victoires, de l’édifice Price, de la cours du Séminaire de Québec, de la porte Saint-Jean et de l’enceinte ouest des fortifications, de la porte Saint-Louis et des fortifications, du cap Diamant et du château Frontenac.

Le site patrimonial du Vieux-Québec est aujourd’hui un quartier habité par plus de 5 000 résidents en plus d’une destination touristique majeure, qui accueille des centaines de milliers de visiteurs annuellement. Depuis la fondation de Québec en 1608, et même avant, le Vieux-Québec est occupé en permanence, ce qui constitue l’une de ses particularités. Il est aussi un centre culturel important doté de plusieurs institutions muséales, en plus d’être le cadre de plusieurs événements.

PC-fig1 Figure 1
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« AA » signifie « avant aujourd’hui » et fait référence, par convention, à avant 1950.

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Des historiens et des archéologues ont proposé quatre emplacements potentiels pour Stadaconé. Deux d’entre eux sont situés dans les limites du site patrimonial (un site compris entre la rue de la Fabrique et le coteau Sainte-Geneviève, près de la côte d’Abraham et un autre entre le château Frontenac et le parc des Champs-de-Bataille, au nord de la rue Saint-Louis et de la Grande Allée Est. Voir : Roland Tremblay, dir., Les Iroquoiens du Saint-Laurent : peuple du maïs, Montréal, Pointe-à-Callière, musée d'archéologie et d'histoire de Montréal/Les Éditions de l'Homme, 2006, p. 34. D’autres suggèrent plutôt un secteur sur la rive sud de la rivière Saint-Charles, à l’extérieur des limites du site patrimonial du Vieux-Québec. Voir : Michel Plourde, « Stadaconé : lieu de démourance de Donnacona », Cap-aux-Diamants, no 93 (2008), p.

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Pendant quelques années, de 1640 à 1644, les Augustines exploitent un hôpital dans l’anse du Couvent, à Sillery (Québec).

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Les Récollets ont quitté la colonie en 1629 et reviennent en 1670 à la demande de l’intendant Jean Talon. À leur retour, les Récollets reprennent possession de leur domaine près de la rivière Saint-Charles et font construire de nouveaux bâtiments. En 1692, Mgr Jean-Baptiste de La Croix de Chevrières de Saint-Vallier (1653-1727) acquiert le couvent des Récollets, coeur de la Ludovica de Samuel de Champlain, et y fonde l’Hôpital général de Québec. La communauté d’hommes s’établit alors en haute-ville, près du château Saint-Louis, sur un terrain donné en 1681 par le gouverneur Louis de Buade de Frontenac et de Palluau (1622-1698). Un hospice y est érigé la même année. Le bâtiment est remplacé par une église et un couvent à partir de 1693. L’ensemble est détruit par un incendie en 1796.

11-14. Il est probable qu’il existe plusieurs Stadaconé puisque la bourgade aurait été déplacée à plusieurs reprises entre 1300 et 1535 afin d’assurer la régénération des sols.