1.2 Cadre légal de protection du site patrimonial du Vieux-Québec | Questionnaire CPCQ

1.2 Cadre légal de protection du site patrimonial du Vieux-Québec

L’avènement de l’ère industrielle au Québec, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, annonce une transformation profonde du mode de vie et menace la préservation de l’identité culturelle. Devant cette problématique, l’État québécois – le premier au Canada – s’inspire de la Loi sur les monuments historiques adoptée par le gouvernement français en 1913, et, le 21 mars 1922, sanctionne la Loi relative à la conservation des monuments et des objets d’art ayant un intérêt historique ou artistique. Cette loi permet le classement des monuments et des œuvres d’art ainsi que la création de la Commission des monuments historiques, l’ancêtre du Conseil du patrimoine culturel du Québec. C’est dans la foulée de cette loi que l’archiviste Pierre-Georges Roy (1870-1953), premier secrétaire de la Commission, réalise les premiers véritables inventaires sur le patrimoine québécois que sont Les monuments commémoratifs de la province de Québec (1923), Les vieilles églises de la province de Québec, 1647-1800 (1925) et Vieux manoirs, vieilles maisons (1927). En 1929, la Commission procède au classement des premiers monuments historiques, soit la maison des Jésuites-de-Sillery, et l’église de Notre-Dame-des-Victoires à Québec, ainsi que le château De Ramezay à Montréal.

En 1952, constatant une accélération dans la transformation de la société québécoise, le Parlement, sous le gouvernement de l’Union nationale dirigé par Maurice Duplessis (1890-1959), modifie la loi de 1922. En vertu de ces nouvelles dispositions de la Loi, la Commission des monuments historiques, alors présidée par Paul Gouin (1898-1976), peut désormais acquérir des immeubles et classer des sites historiques ainsi que tout objet mobilier. Durant la période où Gérard Morisset (1898-1970) est secrétaire de cette commission, de 1951 à 1963, plusieurs monuments situés aux quatre coins du Québec sont classés et une attention particulière est accordée à la restauration d’édifices selon leur style d’origine.

À la suite de la création du ministère des Affaires culturelles en 1961, et devant les enjeux que soulève la préservation du Vieux-Québec, le Parlement adopte la Loi des monuments historiques en 1963. Cette loi permet d’accorder le statut d’« arrondissement historique » à des territoires considérés comme patrimoniaux. La protection des arrondissements historiques est alors assurée par le Service des monuments historiques du Ministère. De 1963 à 1975, neuf arrondissements historiques sont déclarés par le gouvernement : Vieux-Québec (1963), Montréal (1964), Trois-Rivières (1964), Sillery (1964), Beauport (1964), Carignan (1964), Charlesbourg (1965), l’Île-d’Orléans (1970) et La Prairie (1975).

La Loi concernant l’Île d’Orléans (1935), la Loi des monuments historiques (1963) et la Loi concernant la Place Royale à Québec (1967) inspirent l’établissement de la Loi sur les biens culturels, qui entre en vigueur le 8 juillet 1972. Cette loi introduit la notion de « bien culturel », un terme plus vaste que celui de « monument historique ».

En vertu de la Loi sur les biens culturels, les propriétaires de biens situés dans les arrondissements doivent demander l’autorisation du ministre avant de faire certains gestes. Ainsi, ils ne peuvent, notamment, « diviser, subdiviser, rediviser ou morceler un terrain, ni modifier l’aménagement, l’implantation, la destination ou l’usage d’un immeuble, ni faire quelque construction, réparation ou modification relative à l’apparence extérieure d’un immeuble, ni démolir en tout ou en partie cet immeuble, ni ériger une nouvelle construction ». De même, ils ne peuvent « faire un nouvel affichage, modifier, remplacer ou démolir une enseigne ou un panneau réclame sans l’autorisation du ministre ». Le ministre contrôle ainsi « l’apparence, les matériaux utilisés, la structure [du support de l’affichage], [donc] l’effet de [celui-ci] sur les lieux [protégés] ». De plus, certains immeubles d’une grande importance patrimoniale, situés au sein d’un arrondissement historique, peuvent être classés ou reconnus par le ministre. La loi de 1972 ajoute également la notion d’arrondissement naturel, soit « un territoire désigné comme tel par le gouvernement en raison de l’intérêt esthétique, légendaire ou pittoresque que présente son harmonie naturelle ». Au cours des années suivant l’adoption de la loi, trois arrondissements naturels sont déclarés : Percé (1973), l’Archipel-de-Mingan (1978) et le Bois-de-Saraguay (1981). Le statut d’arrondissement historique et naturel est accordé au mont Royal (Mont-Royal) en 2005, ce qui en fait le seul territoire à bénéficier d’un double statut.

La période la plus active en matière de classement et de reconnaissance de biens culturels se situe au cours des années 1970; ensuite, un regain est noté au cours des années 2000. Afin d’encadrer plus étroitement les interventions réalisées dans les arrondissements historiques et naturels, le ministère de la Culture et des Communications et la Commission des biens culturels du Québec décident de se doter d’outils, tels que les études de caractérisation.

Le présent document découle de la Loi sur le patrimoine culturel entrée en vigueur le 19 octobre 2012. Cette loi vise notamment à moderniser les pouvoirs de contrôle du ministre sur un certain nombre d’interventions projetées en tenant compte de l’évolution de la notion de patrimoine culturel. Les arrondissements historiques et naturels deviennent alors des sites patrimoniaux déclarés. La Loi sur le patrimoine culturel rend obligatoire l’établissement de plans de conservation pour les sites patrimoniaux déclarés.

Le site patrimonial du Vieux-Québec
Le site patrimonial a fait l’objet d’un processus de patrimonialisation hâtif à l’échelle du Québec, processus qui débute dans la seconde moitié du XIXe siècle. La patrimonialisation du Vieux-Québec s’est poursuivi au siècle suivant par un ensemble de gestes réalisés par les autorités tant municipales, provinciales que fédérales.

Les pressions exercées par le développement urbain et la modernisation sont à l’origine des premiers gestes de protection du patrimoine bâti du Vieux-Québec. Après le départ de la garnison britannique en 1871, les autorités municipales souhaitent démolir les fortifications afin de désenclaver la vieille ville. Les commerçants souhaitaient démolir les fortifications et surtout les portes qui contraignaient l’accès à l’intérieur de la ville fortifiée. Les portes Saint-Louis et Prescott sont donc démolies en 1871 et deux ans plus tard sont démolies la porte Hope ainsi que celle du Palais. La Ville de Montréal avait, de la même manière, arasé son enceinte au début du XIXe siècle puis entrepris un programme de réaménagement urbain.

À partir de 1872, le gouverneur général Frederick Temple Blackwood (1826-1902), aussi connu sous le nom de Lord Dufferin, milite en faveur de la préservation des murs d’enceinte et de la reconstruction des portes récemment détruites. Son projet d’embellissement, présenté en 1875, est en partie réalisé et assure la conservation et la mise en valeur des ouvrages défensifs du Vieux-Québec.

Au début du XXe siècle, l’augmentation de la population, la modernisation des transports et l’industrialisation continuent d’exercer une forte pression sur le cadre bâti du Vieux-Québec. Plusieurs bâtiments anciens sont notamment détruits pour permettre l’élargissement des voies de communication, dont la rue Saint-Jean. Afin de préserver le caractère unique de la vieille capitale, les autorités municipales et le gouvernement du Québec décident de mettre en place la Commission d’urbanisme et de conservation. Celle-ci est établie en 1928. Elle poursuit encore aujourd’hui son mandat de protection du patrimoine, qui porte maintenant sur l’ensemble des sites patrimoniaux de la ville de Québec ainsi que sur d’autres territoires possédant un intérêt.

En 1929, la compagnie Price décide d’ériger un édifice de 16 étages dans le Vieux-Québec afin d’accueillir son siège social. Le conseil municipal, malgré l’opposition de membres de la Commission d’urbanisme, donne son accord à la construction de ce premier gratte-ciel dans le Vieux-Québec. Plusieurs voix s’élèvent contre la présence d’un édifice aussi imposant dans un secteur ancien. En 1937, les autorités municipales décident finalement de limiter la hauteur des édifices à 20 mètres dans le Vieux-Québec. Une dérogation à ce règlement est cependant accordée aux écoles, aux églises et aux hôpitaux en 1954, afin de permettre la modernisation de l’Hôtel-Dieu. La démolition du pavillon d’Aiguillon pour faire place à l’aile Saint-Augustin, un bâtiment de 13 étages construit à partir de 1955, suscite de nombreuses critiques et fait craindre le pire pour l’avenir du Vieux-Québec.

Afin de mieux encadrer le développement de la ville, le maire de Québec, Lucien Borne (1883-1953), annonce son intention d’établir un premier plan d’urbanisme au cours des années 1950. L’urbanisme français Jacques Gréber (1882-1962) et l’architecte-urbaniste de Québec Édouard Fiset (1910-1994) sont engagés pour le réaliser. Ce plan, lancé en 1956, propose une transformation majeure des axes de circulation tout en prônant la protection du Vieux-Québec.

Plusieurs voix s’élèvent, au milieu du XXe siècle, pour réclamer la protection du territoire du Vieux-Québec. En 1963, la Loi sur les monuments historiques entre en vigueur et permet la déclaration d’arrondissements historiques4. Le site patrimonial du Vieux-Québec est le premier territoire à bénéficier de cette protection à l’échelle du Québec5. Au cours des années 1960 et 1970, plusieurs vastes projets de restauration, dont celui de Place-Royale, sont mis en place par les gouvernements du Québec et du Canada.

Le caractère unique du Vieux-Québec est reconnu internationalement en 1985 alors que le Vieux-Québec est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). L’inscription du Vieux-Québec repose sur le fait qu’il soit un exemple exceptionnel de ville coloniale fortifiée, de loin le plus complet au nord du Mexique, et qu’il représente une des étapes importantes de la colonisation des Amériques par les Européens.

Plus récemment, différents outils ont été produits pour mieux faire connaître les particularités du Vieux-Québec et de mieux encadrer sa gestion. Ces outils découlent notamment du partenariat du ministère de la Culture et des Communications et de la Ville de Québec dans le cadre des ententes de développement culturel auxquels ils contribuent depuis 1979. C’est ainsi que plusieurs inventaires de secteurs du Vieux-Québec ont été réalisés. La Ville de Québec a aussi fait paraître, en 1998, le guide d’intervention : Conserver et mettre en valeur le Vieux-Québec. Plus récemment, l’Inventaire des perspectives visuelles du Vieux-Québec a été révisé. Le quartier du Vieux-Québec fait également d’objet d’un plan directeur par la Ville de Québec depuis 2008. Il faut aussi souligner la publication de l’ouvrage Empreintes et mémoire : l’arrondissement historique du Vieux-Québec par la Commission des biens culturels du Québec. Ce document met en lumière les traces matérielles de l’histoire du site patrimonial. Le Ministère, la Ville de Québec, Parcs Canada et les différents intervenants poursuivent leur collaboration afin de mettre en place des outils de gestion. Plus récemment, des études d’impact patrimonial ont été produites afin d’évaluer l’effet de projets à venir sur les valeurs patrimoniales du territoire. Leur collaboration vise également à s’assurer que le Vieux-Québec demeure un milieu de vie intéressant pour ses citoyens, autant que pour les visiteurs.

Avec ce plan de conservation, le ministre de la Culture et des Communications présente un aperçu des connaissances acquises sur le site patrimonial du Vieux-Québec et énonce ses orientations en vue de la préservation, de la réhabilitation et, le cas échéant, de la mise en valeur de ce site en fonction de sa valeur patrimoniale et de ses éléments caractéristiques.

4

À l’entrée en vigueur de la Loi sur le patrimoine culturel en 2012, les arrondissements historiques et les arrondissements naturels deviennent des sites patrimoniaux.

5

Pour connaitre les raisons de protection du Vieux-Québec, consulter la section portant sur les valeurs patrimoniales.